Journal de lecture de février 2023

« Le petit prince » d’Antoine de Saint-Exupéry : J’avais à cœur de partager ce livre avec mes enfants. c’est chose faite. Je ne pense pas qu’ils en comprennent encore toute la portée philosophique, mais la magie a agi. J’espère qu’ils reviendront ultérieurement le lire et en tirer toute la poésie et la réflexion que ces belles pages ont amenées chez moi. Peu importe le nombre de relectures, j’y prends toujours le même plaisir. Un classique qui me ramène à chaque fois à mon enfance et à la première où je l’ai eu entre les mains…

« L’appel du highlander, tome 2 : le secret de la highlander » de Mariah Stone : Cette romance aurait pu être sympathique si elle n’avait pas eu un côté si mou. Je me suis ennuyée ferme. Les personnages sont inconsistants, l’intrigue sans intérêt. Je n’ai pas réussi à entrer dans le récit et à me laisser porter. L’histoire d’amour entre les héros ne m’a pas touchée et la manière miraculeuse dont leurs soucis s’aplanissent avant la fin m’a donné envie de hurler. Un tome qui manque singulièrement de créativité…

« Les Mackintosh, tome 3, Un choix à travers le temps » de Julie Dauge : Rien n’est pire qu’un roman qui est à deux doigts d’être bon, mais qui ne l’est pas, faute d’un travail sérieux sur le fond et sur la forme. Je ne reviendrai pas sur l’orthographe épouvantable et j’éviterai même de parler des répétitions qui émaillent le récit. Je me contenterai de dire que je suis déçue par ce troisième tome qui hésite entre se centrer sur le personnage de Duncan ou sur celui d’Ethan. Je pense qu’un choix aurait dû être fait entre les deux. Dommage, car globalement, l’auteur s’améliore dans la trame de son intrigue.

« La Mythologie Viking » de Neil Gaiman : J’ai bien aimé me balader dans cette mythologie nordique que je connais assez peu. Ce livre est une bonne introduction au sujet et donne envie d’en savoir plus sur ces dieux viking que le cinéma se plait souvent à malmener. Le personnage de Loki reste de loin mon préféré pour son côté ambivalent qui le rend bien plus humain que les autres dieux. Une lecture plaisir en ce qui me concerne, car les mythologies, avec tout ce qu’elles révèlent de l’âme humaine, me passionnent.

« Clan MacKenzie, tome 1 : La rose des Highlands » de Juliette Miller : Je suis partagée sur cette romance. J’ai beaucoup aimé le style de l’auteur. La romance en revanche était un peu trop mièvre à mon goût. Cependant, il y a là une belle galerie de personnages et pour les avoir lus (oui, je suis désordonnée), les tomes suivants valent la peine d’être lus. Pour résumer, une jolie plume plaisante et divertissante qu’on apprécie malgré ses imperfections. Et puis c’est vrai que la couverture est belle…

« Scandaleux écossais tome : la flamboyante des Highlands » de Suzanne Enoch : Une romance qui doit beaucoup à ses héros qui sont plus subtils et sensibles que leur entourage ne peut le croire. Pour l’intrigue, on ne sort pas des sentiers battus et on voit venir le dénouement longtemps avant la fin. Mais enfin, ne boudons pas notre plaisir, le récit tient ses promesses et c’est bien là l’essentiel. Ceci dit, il se passera un peu de temps avant que je ne songe à lire les précédents tomes.

« Les frères Malory tome 1 : Le séducteur impénitent » de Johanna Lindsey : Une romance qui m’a d’abord fait penser à celles de la talentueuse Mary Balogh, mais qui malheureusement n’ont pas le même charme. L’auteur en fait beaucoup trop, poussant le trait au-delà du raisonnable et multipliant les coïncidences pour mener son récit à bien. Malgré tout, on prend un certain plaisir à la lecture une fois qu’on a dépassé ces défauts. Ce n’est pas un livre mémorable, mais le divertissement est au rendez-vous.

« Le clan des MacLaren » de Suzan King : Cette romance a quelques atouts. D’abord, elle appartient au genre romance historique que j’affectionne, l’héroïne est courageuse et a du caractère, il y a un brin de fantastique avec l’histoire de la vierge de pierre… Mais très vite, on retombe dans les poncifs du genre et ce n’est plus qu’un récit à l’eau de rose parmi d’autres. Bien sûr, on s’attend à une fin heureuse et on n’est pas déçu. Dommage que la fin arrive comme un cheveu sur la soupe pour aplanir toutes les difficultés qui pourraient se dresser entre les deux amants. Décevant…

« Le diable s’habille en tartan » de Teresa Medeiros : J’ai d’abord été séduite par le titre qui m’a fait sourire (ce qui est rarement le cas dans le genre romance historique). Passé cet amusement premier, j’ai un peu grincé des dents devant les quelques clichés, entre autres dans la scène de l’enlèvement au tout début du récit (le héros qui pénètre à cheval dans l’église pour empêcher le mariage : un grand classique). Le reste est honnête, mais sans surprise. Les héros manquent un peu de sel à mon goût. On frise la caricature à plus d’une reprise. Ce n’est pas la meilleure romance qui me soit passée entre les mains !

« Entre les mains du chevalier » de Nicole Locke : J’ai beaucoup aimé la force de l’héroïne, ses atouts d’assassin habile et furtive. Hélas, quel manque de cohérence quand ensuite, elle se révèle si faible face au viril chevalier qui la fait prisonnière. Son histoire est intéressante. On la sent sous l’emprise de son horrible père, mais justement, ce père est tellement caricatural dans sa méchanceté et sa noirceur qu’ont ne comprend pas qu’il puisse rester une once d’attachement de sa fille pour lui. Il y a de beaux passages où on se laisse prendre par l’action, mais ils ne font pas oublier les défauts du récit.

« Silence sur les highlands » de Juliette Miller : Dans cette trilogie romantique, ce tome restera mon préféré. Le style de l’auteur me plait toujours autant et pour une fois, j’aurais été un peu surprise par l’héroïne et son profil atypique. N’allez pas croire pour autant qu’il s’agisse d’un chef d’œuvre qui restera dans les annales ! Il y a cette fois encore de longs passages avec des envolées lyriques (notamment quand l’héroïne s’extasie sur la beauté et la virilité de son highlander bien aimé). Cependant, cette lecture m’aura happée jusqu’à la fin, un exploit en ce qui me concerne !

« Steam sailors tome 2 : les Alchimistes » de E.S. Green : Ce roman jeunesse est un pur bonheur ! L’auteur mène son récit d’une main de maître et nous retrouvons avec beaucoup de bonheur nos pirates préférés. J’ai apprécié le rythme de l’histoire et les nouveaux personnages qui font leur apparition. Beaucoup de questions restent en suspens, surtout sur cet Alchimiste dont le passé semble trouble. J’ai hâte d’y trouver réponse dans le troisième tome ! Un titre qui reste captivant de bout en bout…

« La tradition Fontquernie » de Gilbert Cesbron : On suit le mal être et les interrogations d’Antoine qui aime sa famille et son fief « Fontquernie » lui-même. Cependant il s’y sent différent, pas à sa place… Le contexte (le jeune homme fréquente la grande bourgeoisie, ses frères et lui sont destinés à rejoindre le front) ajoute au malaise jusqu’à ce que la fin du récit nous éclaire sur un certain nombre de questions. J’ai aimé le style que j’ai trouvé plutôt agréable. J’ai beaucoup moins apprécié le rythme qui fait la part belle à l’introspection des personnages (ce dont je ne suis pas forcément une adepte). Un joli roman, mais qui ne conviendra pas à tout le monde.

« Les secrets du potager » de Carron Brown : Un joli livre offert à mes enfants pour leur anniversaire (j’ai des jumeaux de six ans). Ils ont adoré l’aspect magique du livre dont il faut éclairer le dos des pages pour découvrir des illustrations cachées. Ils se sont prêtés au jeu des devinettes avec beaucoup de plaisir. Je l’ai trouvé bien fait, avec un propos simple mais tout à fait adapté à des enfants de cet âge. Les miens pratiquent le jardinage avec maman depuis l’âge de trois ans. Ils connaissent déjà un certain nombre de choses sur le sujet, mais ne se sont pas ennuyés lors de cette lecture du soir. Je recommande chaudement cet ouvrage aux petits jardiniers en herbe et aux petits curieux de tous poils !

« Le loup qui voulait être un super héros » d’Orianne Lallemand et d’Eléonore Thuillier : Mes enfants raffolent des aventures de ce loup au drôle de profil. Les illustrations sont rigolotes, truffées de détails qui racontent des histoires à côté de l’histoire. C’est joliment écrit et bien rythmé. Mes petits bouts s’identifient à ce héros dans lequel ils retrouvent certaines de leurs émotions ou de leurs idées (pas toujours géniales après coup, mais qui leur paraissent tellement bonnes quand ils font leurs pus belles bêtises). Une valeur sûre !

« Le loup qui fêtait son anniversaire » d’Orianne Lallemand et d’Eléonore Thuillier : Ce livre a été offert à mes enfants pour leur anniversaire. Autant dire qu’ils se sont sentis concernés par l’état d’esprit de Loup ! Ils ont adoré le génie de la bouteille et toutes les misères dont a pu être victime le héros. Le final les a rassurés sur son sort. Et puis, il y a encore et toujours le côté créatifs et amusant des illustrations dont ils ne se lassent pas. Un titre )à lire et à relire le soir, avant de se coucher !

« Les débutantes de Kempton tome 4 : une demoiselle à Londres » d’Elizabeth Boyle : Une romance dont j’ai aimé l’héroïne maladroite, un peu naïve, mais tellement sympathique et pleine de bonne volonté ! Le récit état charmant, même s’il ne faut s’attendre à rien de très original dans sa trame. Cependant, la plume de l’auteur est agréable et on passe un joli moment en sa compagnie. Je me laisserai peut-être tenter par les tomes précédents (si j’arrive à mettre la main dessus).

« Assoiffés, tome 1 » de Tracy Wolff : Lorsque j’ai commencé la lecture de ce premier tome, je lui ai trouvé un air de déjà vu. Il louche franchement du côté de « Twilight » avec ses amours vampiresques et adolescentes. L’auteur s’offre même de citer la saga : un petit clin d’œil qui m’a fait sourire et m’a poussée à lui donner sa chance. J’ai bien fait, car si le roman de Stephenie Meyer a probablement inspiré un peu cette histoire, l’auteur se détache de son modèle et tisse son propre univers avec des personnages et des lois qui n’appartiennent qu’à elle. Finalement, malgré mes appréhensions, j’ai bien aimé ce récit et je vais m’attaquer à la suite avec enthousiasme.

« Le cercle des 17, tome 1 » de Richard Paul Evans : Un sympathique roman jeunesse mettant en scène des jeunes gens aux pouvoirs paranormaux et une occulte organisation aux buts inavouables qui cherche à les utiliser à ses propres fins. La galerie de personnages est intéressante, reste à savoir si l’intrigue va se développer de manière originale dans les prochains tomes, car ce premier opus est assez convenu. Il sert manifestement d’entrée en scène. Une lecture plaisante et aisée qui me semble prometteuse.

Au fil de l’eau # 20 : Damon 5

J’ai enfin pu l’approcher, lui parler et la toucher, bien que furtivement. L’émotion qui s’est emparée de moi a bien failli me rendre fou. Enivré par son parfum, j’ai dû me faire violence pour ne pas me jeter pour elle. Mais il était trop tôt pour cela. Je devais d’abord la séduire pour qu’elle vienne à moi de son plein gré. Son esprit me résistait d’une manière étrange. Là où ses semblables acceptaient toutes mes fables, les tenant pour réelles, elle se refusait seulement à croire qu’elle me connaissait déjà. Je n’arrivais pas à altérer ses souvenirs.

Je me suis ensuite de nouveau introduit dans ses rêves. Elle a résisté un peu, m’entrainant dans ses angoissants cauchemars, mais enfin, j’ai pu prendre le dessus et me montrer à elle sous un meilleur jour. Elle a commencé à me désirer, me facilitant la tâche. Un baiser, une simple caresse dans le monde des songes, m’ouvraient soudain le chemin de son esprit et je l’espérais, de son cœur. Je m’employais à rendre ses nuits inoubliables et lorsque nous nous croisions dans le monde réel, je renforçais mon emprise sur elle en la couvant de regards brûlants ou en l’effleurant juste assez pour la faire frémir.

Peu habitué à la longue parade amoureuse de ces pitoyables humains, j’ai fini par céder à mes instincts. Je suis entré chez elle et je l’ai fait mienne. Ce fut aussi merveilleux que je l’avais imaginé. Elle m’était destinée. Son corps épousait le mien et répondait parfaitement à chacun de mes gestes. J’ai apposé ma marque sur elle, imprimant mon pouvoir dans ses veines pour que plus aucune créature ne puisse plus se mettre entre nous. C’était supposé l’assujettir, faire d’elle mon épouse docile et soumise… mais quelque chose d’étrange s’est produit.

Elle aussi a posé sa marque sur moi. Je me suis senti épinglé, comme un insecte sur un tableau de liège, incapable de déployer mes ailes sans les déchirer, prisonnier, enchaîné aux mains de cette mortelle. Je n’en suis pas certain, mais je crois qu’elle m’a dérobé, sans même s’en rendre compte, une part de ma magie, cette étincelle divine qui m’a été octroyée par droit de naissance. Je dois me hâter à présent de l’attacher à moi pour qu’elle me suive en mon royaume, là où je serai en sécurité et en plein possession de mes moyens.

Au fil de l’eau # 19 : Damon 4

Durant les semaines et les mois qui suivirent, ma tendre promise me fut inaccessible. Les drogues qu’on lui faisait prendre et le chagrin la maintenait dans un état de torpeur qui ne me permettait pas de l’atteindre. Jusqu’à ce que je trouve le chemin de ses songes… Je découvris un monde plus ténébreux encore que les profondeurs dans lesquelles je me terrais. La substance de ses cauchemars était glauque, poisseuse. Mes tentatives pour les prendre d’assaut se révélaient peu fructueuses. Je me retrouvais prisonnier de l’image monstrueuse que son inconscient avait construite pour moi.

Elle ne voyait en moi qu’un monstre, hantant les abysses et tendant vers elle des griffes avides. Celui qui l’avait sauvée lorsqu’elle était enfant avait disparu depuis longtemps dans son souvenir. Je ne savais que faire pour le ressusciter et retrouver dans son regard la lueur d’émerveillement que j’y avais vu briller. Je persistais, persuadé qu’il me suffirait d’une seule étreinte pour la ramener à de meilleurs sentiments. puis il me fallu me rendre à l’évidence : tant qu’elle serait dans cet environnement, ses pensées resteraient sombres et effrayantes.

J’eus donc recours à sa tante. J’insufflai en elle le désir de récupérer sa nièce coûte que coûte. Son esprit à elle m’était totalement ouvert, comme un livre vierge où je pouvais écrire le moindre de mes souhaits. Pourtant, même libérée de sa prison médicale, même sevrée des substances qui endormaient son cerveau, elle continuait à faire des cauchemars où j’avais toujours l’aspect d’un monstre. En rêve, le contact était trop ténu. Je devais poser ma marque sur elle, la toucher, lui parler. Il y avait bien longtemps que je ne m’étais plus mêlés aux humains, mais pour elle j’étais prêt à tout.

Je peaufinai mon apparence, prenant des traits séduisants, un corps athlétique et me parant de tous les attributs de la richesse à laquelle l’humanité attachait tant de prix. Quand je fus satisfait, je convoquai la tante, l’obligeant à venir jusqu’à l’étang, au cœur de la nuit. Ce qui était vrai pour sa nièce, était vrai aussi pour elle. En la touchant; mon emprise sur son esprit était plus forte. Je la renvoyai à son lit en me frottant les mains. Bientôt, j’allais toucher ma bien aimée et lui parler enfin…

Au fil de l’eau # 18 : Damon 3

Il s’appelait Maxime. C’était un grand gaillard sportif que les gens trouvaient sympathique. Ce garçon solaire et extraverti n’avait rien de commun avec ma discrète promise. J’espérais longtemps qu’ils s’en aperçoivent par eux-mêmes et qu’ils finissent par se séparer, leur passion consumée. Hélas, leur amour semblait se renforcer. Peu à peu, ma douce enchanteresse s’ouvrait aux autres, se mêlant des conversations et riant de bon cœur avec ces misérables humains qui ne la méritaient pas. Je ne pouvais pas la laisser se perdre ainsi parmi eux. Je devais la sauver de leur banalité. Je devais reprendre ce qui était mien…

Mon rival aimait les activités nautiques. Il avait le culot de s’avancer dans mes domaines, comme en terrain conquis. Je me gardai bien de l’en chasser. Où, sinon dans l’eau, serait-il plus à ma merci ? Je le laissai évoluer en toute confiance. Lorsqu’il nageait dans mon étang, mes doigts brûlaient pourtant de le saisir et de l’entrainer par le fond ! Mais ma belle était là, à distance raisonnable de l’eau et je ne voulais pas qu’elle soit témoin de mes méfaits. Je ruminais en regardant l’opportun faire sa parade amoureuse. Tôt ou tard, il paierait pour ses affronts !

Puis l’occasion de me débarrasser de lui m’avait été servie sur un plateau. Je n’y étais pour rien ou presque…. Maxime et ses amis participaient à une course d’avirons. Ils connaissaient le parcours pour s’y être entraînés régulièrement. Ils étaient confiants. Trop confiants. Il m’avait suffi d’un léger courant contraire pour faire dévier leur embarcation vers un rocher qui en avait brisé la quille. La panique avait fait le reste. Ils avaient tous fini à l’eau. Maxime aurait pu s’en sortir aisément. C’était un excellent nageur. Alors, j’avais profité du chaos pour saisir sa cheville et le maintenir dans l’eau jusqu’à ce que son corps devienne inerte. Ensuite, je l’avais lâché et je m’étais éloigné tandis qu’on repêchait son cadavre.

Ma bien aimée avait hurlé de douleur. Son cri m’avait brisé le cœur. Puis je m’étais ressaisi. Bientôt, je viendrais soigner toutes les blessures de son âme et elle goûterait enfin à un amour véritable. Je résistai à l’envie de sortir de l’eau pour aller la consoler. Les sottes créatures qui l’entouraient ne m’auraient probablement pas laissé m’en approcher. Je fis donc ce que je faisais de mieux : attendre.

Au fil de l’eau #17 Damon 2

La petite avait soudain frémi de la tête aux pieds avant d’écarquiller brusquement les yeux. Pour une raison obscure, tandis que j’explorais son esprit, elle était parvenue à explorer le mien. Elle se leva, titubant près de la berge. C’en était trop pour un être aussi petit et fragile. Elle avait vacillé et était tombée en avant, droit dans l’étang. Sans prendre le temps de réfléchir, j’avais franchi la limite qui me séparait des hommes. Je m’étais fait de chair et de sang pour attraper son petit corps et la ramener à la surface. Elle avait entrouvert ses jolis yeux et avait posé un regard émerveillé sur moi avant de s’évanouir.

Des gens ont accouru et je suis retourné me cacher. Naturellement, ils ont cru que l’enfant avait voulu mettre fin à ses jours, mais il n’en était rien. Pour l’avoir vécu en même temps qu’elle, je savais ce qu’elle avait ressenti, ce vertige qui l’avait saisi en découvrant soudain son âme sœur. Nous étions semblables, d’une manière dont aucun de nos propres semblables ne l’étaient. Nos cœurs battaient à l’unisson. J’étais heureux. Enfin, je comprenais ce que je faisais sur cette terre : je l’attendais. Lorsque nous serions unis, enfin, nous serions complets et n’aurions plus besoin de qui que ce soit d’autre au monde.

Je l’ai regardée grandir. Elle est devenue de plus en plus belle, d’une beauté faite pour moi, une beauté que les hommes autour d’elle ne voyait pas. Du moins était-ce ce que je croyais. C’est alors que ce jeune blanc bec avait fait son apparition. Il était venu parmi les convives turbulents que sa tante imposait à ma bien aimée. Il aurait dû faire comme les autres : profiter des largesses de la tante en ignorant la nièce. Mais il l’a remarquée. Il lui a parlé. Il l’a séduite. Ah, ce coup de poignard dans ma poitrine lors de leur premier baiser ! Amoureux, ils se sont fiancés avec le consentement de la tante, trop heureuse de voir sa protégée entre de bonnes mains.

L’enfer s’est ouvert devant moi. Ma solitude tant aimée était devenue un fardeau. Privé de ma promise, je n’avais goût à rien. Je haïssais l’autre, moi qui n’avait jamais haï personne… Je l’observais de loin, attendant mon heure. Dès que l’occasion se présenterait, je l’évincerais ! Aucun mortel ne se mettrait en travers de mon bonheur !

Au fil de l’eau # 16 : Damon

Les dieux ont foulé la Terre. Il y a longtemps. C’est ainsi que j’ai été engendré. Contrairement à des parents humains, ils ne se sont pas entichés de moi. On m’a confié à une nourrice, puis on m’a oublié. De mon côté, j’ai effacé mes géniteurs de mon histoire. Nos routes ne se sont plus jamais croisées et j’ignore ce qu’ils sont devenus. Ils ne m’auront laissé qu’une seule chose en héritage : la solitude. La pire de toute, celle qui dure toujours… Je vivais plus longtemps que ceux qui m’entouraient, sans jamais vieillir. J’avais à peine le temps de les connaître et de les aimer que leur dernière heure déjà, était arrivée…

J’ai fini par m’éloigner pour ne plus souffrir à chaque disparition. J’ai pris pour royaume le fond des rivières, celui des lacs et des étangs, tous lieux où je ne voyais guère les hommes que de loin. Mais la faim de contacts m’a repris. Je désirais entendre leurs voix. Leur chaleur m’attirait. Alors parfois, je faisais une apparition, adressant quelques mots au premier être venu, puis je repartais. Certains m’ont pris pour une divinité et ont commencé à me vouer un culte. Les celtes m’avaient nommé Damon, puis au fil des ans, je suis devenu femme dans leur imaginaire et c’est à Damona qu’ils adressaient leurs dons et leurs prières.

Les peuplades se sont succédées. Les catholiques sont arrivés, bousculant et persécutant les autres croyants et les créatures de mon genre sont devenus des émissaires du mal, des démons qu’il fallait honnir. Plus que jamais je les ai fui. Mes apparitions se firent plus rares. Il m’arrivait bien de me montrer ici ou là, mais je me faisais discret, allant jusqu’à cacher ma véritable nature. C’est à cette époque que j’appris à les imiter et à me fondre parmi eux. Je ne pouvais rester très longtemps au même endroit bien sûr. Un homme qui ne vieillissait pas finissait par éveiller les soupçons partout où j’allais.

Au cœur de leurs fêtes, au beau milieu des foules, je me sentais seul. Ma différence m’isolait. Jusqu’à ce que je la rencontre, elle, celle qui au bout de nombreux siècles, fit chavirer ma vie. Elle était toute petite, âgée de cinq ou six ans. Accroupie près de la rive de l’étang où j’avais temporairement établi mon logis, elle pleurait. Ce n’était pas un simple chagrin d’enfant. Elle pleurait de tout son cœur, de toute son âme. On l’avait vêtue de noir et je sus qu’elle venait de perdre un proche. Je tendis mon esprit vers le sien, ce que j’avais coutume de faire avec ses semblables, si faciles à sonder. Un solitude égale à la mienne creusait un vide dans sa poitrine. Ce jour-là, c’était ses parents qu’on allait inhumer.

Au fil de l’eau # 15 : Jour 12

Jamais je n’ai vu ma tante aussi furieuse. J’ai d’abord cru qu’elle en voulait à Estelle pour m’avoir fait tomber à l’eau. Puis j’ai réalisé que sa colère était dirigée contre Damon et… contre moi ! Dès la seconde où nous avons franchi le seuil de la maison, elle m’a vertement reproché mon inconséquence et mon manque de pudeur. Comment avais-je pu me fiancer ainsi sur un coup de tête ? Et m’afficher de cette manière avec un homme que je ne connaissais pas si bien que ça ? Et depuis quand avais-je ce goût prononcé pour l’alcool ? Est-ce que je me rendais compte que j’avais ruiné ma réputation et trainé notre nom dans la boue ? La ville entière allait faire des gorges chaudes de mon comportement…

Je n’ai rien trouvé à lui répondre. Je ne me reconnaissais plus moi-même. Près de Damon, mes pensées s’embrumaient. J’étais incapable de réfléchir sainement. Un seul de ses regards annihilait en moi toute volonté. Comment aurais-je pu lui expliquer que cet homme m’obsédait, qu’il ne me laissait aucun répit, pas même dans mon sommeil ? Elle n’aurait pas compris. Je la laissais dévider sa rancœur sans broncher. Alors qu’elle atteignait le summum de sa colère, elle s’est tu brusquement. Elle a cligné des yeux et a regardé autour d’elle avec étonnement. Soudain, elle m’a souri et avec des larmes dans les yeux, m’a félicité pour mes fiançailles.

J’en suis restée bouche bée. Elle m’a serrée dans ses bras et est partie se changer en fredonnant. Je n’y comprends plus rien. Ce matin, elle a tout oublié de son éclat de la veille et ne me parle plus que des préparatifs pour le futur bal où je paraîtrai escortée par mon fiancé. Elle est convaincue que je vais faire des envieuse car c’est un homme très convoité. Mal à l’aise, je n’ose pas lui demaner pourquoi elle a changé d’avis. Tout cela n’est pas naturel. Je pars faire ma promenade dans le parc pour réfléchir au calme. L’étang m’appelle. Un vague souvenir flotte dans ma tête. Exactement à l’endroit où je me trouve, quelque chose m’est arrivé lorsque j’étais enfant…

Je n’arrive pas à me rappeler de l’évènement en question, mais je sais qu’il a changé irrémédiablement ma vie. Je m’accroupis et trempe les doigts dans l’eau. Je suis tombée dans cet étang… Il y a longtemps. Le souvenir est tout proche, mais je ne parviens pas à l’atteindre. C’est comme s’il était cloisonné, présent, mais inaccessible. Je me redresse. Est-ce que cela a le moindre rapport avec Damon ? Mon instinct me souffle que oui. Pourquoi ma mémoire me joue-t-elle des tours ? Et il n’y a pas que moi. Je crois que ma tante est aussi affectée que moi. Il faut que je comprenne de quoi il s’agit et une seule personne au monde possède les réponses à mes questions : Damon bien sûr.

Au fil de l’eau # 14 : Jour 11 (suite)

La fête est très réussie. La nourriture est délicieuse, la musique fantastique et la compagnie, celle de Damon en particulier, des plus agréables. Pourtant, je sens comme un malaise. Ma tante nous suit en silence, la bouche crispée. Tandis que certains convives viennent nous féliciter, elle ne prononce pas un mot. Son attitude vient jeter une ombre sur ma joie. Dans l’espoir de la voir se dérider un peu, je passe mon bras sous le sien. Si elle m’adresse un petit sourire, je comprends que je ne vais pas m’en tirer à si bon compte. Une autre personne nous suit, faussement enjouée : Estelle.

L’annonce de nos fiançailles ne l’a que brièvement ébranlée. la voilà qui repart dans ses entreprises de séduction. Elle s’immisce dans nos conversations, se propose pour aider la future mariée dans ses préparatifs et m’offre même son amitié. Je ne peux refuser la main qu’elle tend vers moi, mais j’ai l’impression de toucher un serpent. Son regard n’a rien de bienveillant. Elle me conduit d’autorité vers le buffet et m’oblige à accepter une flûte de champagne. Damon fronce les sourcils en voyant qu’elle me tend une seconde flûte.

L’alcool et le bavardage assommant de mon hôtesse me font tourner la tête. Au bout de quelques minutes, je la trouve beaucoup plus sympathique. Ce n’est pas sa faute si nos cœurs battent pour le même homme. Et je suis tellement chanceuse ! Un élan de compassion me pousse vers elle. Je ris à ses plaisanteries, j’applaudis ses idées. J’ai à peine un petit sursaut lorsqu’elle insiste pour que nous montions toutes les deux sur une des jolies barques amarrées au bord du lac. Ma crainte de l’eau est en sourdine.

Damon se voit repoussé sans ménagement lorsqu’il prétend embarquer avec nous. Estelle veut faire une balade entre femmes. J’approuve, Dieu seul sait pourquoi. Je me saisis des rames et nous nous éloignons, un peu laborieusement de la berge. Arrivées au milieu du lac, ma compagne me propose de ramer à son tour. Je me redresse pour lui céder mes instruments et j’entrevois une brève expression de jubilation sur son visage avant de basculer dans l’eau. La froideur de l’onde m’éclaircit aussitôt l’esprit. Je me débats, espérant vainement ne pas couler, mais entraînée par le poids de mes vêtements, je suis tirée vers le fond.

Comme dans le pire de mes cauchemars, la panique me fait suffoquer. L’air va me manquer… du moins le devrait-il. J’écarquille les yeux en constatant que je respire très bien et que je vois sous l’eau comme en plein jour. Certes, je me dirige toujours dans le mauvais sens, mais je ne suis pas en train de mourir. Une silhouette fend les flots au-dessus de moi et Damon apparait, nageant à une vitesse folle vers moi. Il me sourit et me prenant par la main, m’aide à regagner la surface. Une seconde barque flotte près de celle d’Estelle qui est en larmes sur le banc. Damon ne lui jette pas un regard et me transporte sur l’embarcation avec laquelle il est venu me chercher.

J’ai un peu pitié de la jeune femme lorsque nous nous éloignons d’elle, mais ce sentiment ne dure pas en me souvenant qu’elle a bien failli me noyer.

Au fil de l’eau # 13 : Jour 11

Notre invitation à prendre le thé de l’autre jour, nous a amené d’autres invitations en retour. Nous voici en route pour la demeure d’Estelle, un petit manoir en vérité, pour un « breakfast » dans les jardins. Ce n’est pas la petite réunion informelle à laquelle nous nous attendions. Un pavillon de toile a été dressé, sous lequel se tient un somptueux buffet. Au son d’un orchestre qui joue pianissimo, une armada de serveurs tirés à quatre épingles, propose des rafraichissements aux invités déjà nombreux. Estelle en personne, vient à notre rencontre. Elle est époustouflante dans la magnifique robe de soie brodée qui bruit à chacun de ses pas.

Elle nous accorde à peine une demi minute avant de se jeter sur l’arrivant suivant : Damon. Tel le lierre sur un mur, elle s’agrippe à lui, possessive et conquérante. Elle se presse contre lui, lascive. Une furieuse envie de lui arracher les yeux me prend. Cette jalousie soudaine me surprend. Je n’ai jamais rien éprouvé de tel lorsque j’étais fiancée à Maxime. Il y a en moi, une femme primitive qui gronde comme un fauve, prête à bondir. Lorsque la main de Damon se pose sur celle de la jeune femme, c’est plus que je ne peux en supporter.

Plutôt que de faire un éclat en public, je tourne les talons et remonte l’allée, décidée à quitter les lieux. Ma tante inquiète m’appelle, mais je ne me retourne pas. Les larmes ne sont pas loin et il n’est pas question que je les laisse couler en public. Quelqu’un court derrière moi. Une main me saisit et je me retrouve entre les bras de Damon qui arbore un sourire triomphant. Ma réaction semble lui avoir fait plaisir à cet animal ! Je me débats. Il resserre son étreinte en riant.

Je prends alors conscience que nous sommes au centre de l’attention générale. Ma tante nous observe avec perplexité. Quant à Estelle, elle nous fusille du regard. Ici et là, je croise des visages amusés quoiqu’un peu étonnés. Damon en profite pour faire une annonce qui surprend tout le monde, à commencer par moi… En quelques mots, nous voici officiellement fiancés. Estelle semble à deux doigts de s’étouffer et je comprends tout à coup le sens de toute cette fête : le buffet, la musique, sa robe extravagante. Elle espérait prendre Damon dans ses filets et je viens de le lui souffler sous le nez.

Ma tante essaie de m’approcher pour me parler, mais Damon ne l’entend pas de cette oreille. Il m’enlève littéralement et dirige nos pas vers la fête, devenue pour l’occasion, celle de nos fiançailles.

Au fil de l’eau # 12 : Jour 10

Ce matin, je suis malade. Impossible de mettre un pied au sol sans être prise de nausée. Ma tête et mon estomac sont douloureux et je me sens fiévreuse. Ma nuit a été chaotique, sans sommeil ou si peu. Je suis totalement épuisée. Bérénice m’a préparé un bol de bouillon que je ne boirai sûrement pas. L’odeur qui s’en dégage me met le cœur au bord des lèvres. Recroquevillée au fond de mon lit, je ferme les yeux en priant pour m’endormir et oublier mon état. Que les heures sont longues quand on est souffrante ! Je sombre peu à peu dans l’inconscience.

Me voici de retour au fond de l’eau… Ce cauchemar choisit bien son moment pour faire son retour ! Je guette l’arrivée du monstre marin, la sensation d’étouffement qui l’accompagnera et la peur qui me rendra à moitié folle. Rien de tout cela ne se produit. La créature qui s’approche de moi n’est pas humaine, mais elle a les traits de Damon et me regarde avec tendresse. Elle m’enserre en me frottant le dos. Son geste me réconforte et me soulage. Peu importe si sa peau est couverte d’écailles et si ses doigts griffus sont palmés : je me sens bien avec elle, protégée, choyée.

Sa main prend la mienne et nous parcourons son royaume. Mes yeux s’accoutument au manque de luminosité et s’émerveillent soudain de découvrir toute une forêt sous-marine d’algues et d’herbes colorées, peuplée de petits poissons argentés qui filent à notre approche. Une tiédeur confortable s’est répandue dans mes membres. Le sable est doux sous mes pieds, comme un tapis moelleux. Des pierres rondes et colorées balisent un chemin qui serpente vers un ensemble de grottes éclairées d’une lueur phosphorescente.

La créature me guide vers la plus grande de ces excavations et je comprends que je suis face à sa demeure. Je n’ai jamais rien vu de plus étrange que ce repaire qui imite les habitations humaines. Des sièges en bois flottés entourent une grande table de pierre. Leur assise, épaisse et ondoyante, a une consistance mousseuse. Je m’y repose quelques instants, serrée contre mon guide. Une voix ronronne dans mon esprit, m’insufflant force et courage. La guérison est à portée de main.

Je me réveille dans mon lit. La lumière du jour décline. J’ai dormi presque toute la journée. Mon estomac va nettement mieux, si ce n’est qu’il est désespérément vide. J’ai faim. Le bol de bouillon a disparu. Je me redresse lentement. Les maux de tête et la fièvre m’ont enfin abandonnée. Je pose un pied prudent au sol. Il faut que j’aille me sustenter. Dans l’escalier, je croise Bérénice qui parait stupéfaite de me voir debout. Elle m’oblige à regagner mon lit, se chargeant de m’apporter un plateau de nourriture. Avertie de mon réveil, ma tante vient me tenir compagnie.

Elle m’apprend qu’une épidémie sévit dans les environs depuis quelques jours, affaiblissant les malades pour de longues semaines. Je me suis remise si vite, que je ne souffrais probablement pas du même mal, en dépit de ce que le médecin lui avait laissé entendre. Affamée, je n’écoute qu’à demi ses paroles. Mon corps manque de réserves, il me faut plus à manger, bien plus. Au grand dam de mes deux garde-malades, je sors à nouveau de mon lit et me dirige vers la cuisine. Je dévore comme jamais. Je n’y peux rien, c’est un besoin animal et rien ne saurait m’en dissuader, pas même le regard effaré et un peu réprobateur de ma tante.

Le ventre bien rempli, je retourne me coucher, obéissant à mon corps qui aspire encore au sommeil.

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